À l’heure où la guerre hybride et les ingérences russes sont au cœur des attentions, l’arrivée d’un ancien salarié de la chaine de propagande Russia Today (RT) à la tête d’un grand magazine français nous préoccupe grandement.

Le groupe de presse Czech Media Invest (CMI) a annoncé un changement à la direction de l’hebdomadaire Marianne. Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne depuis 2018, se verra remplacée par le journaliste Frédéric Taddéï. Ce dernier prendra ses fonctions le 1er mars 2025, a affirmé le groupe CMI France, propriété de l’homme d’affaire tchèque Daniel Kretinsky qui détient également les titres de presse Elle, Télé 7 Jours et Franc-Tireur.

De 2018 à 2022, Frédéric Taddéï a animé une émission quotidienne sur Russia Today (RT) France, chaîne télévisée de propagande du Kremlin interdite d’accès au palais de l’Élysée en 2017 et qui sera suspendue par décision de la Commission européenne le 2 mars 2022 suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Questionné par Causeur à propos de sa gêne éventuelle à l’idée d’être « payé par Poutine », il répondait « je me fiche complètement de qui me paye » et ne trouvait rien à redire à contribuer à un organe de propagande gouvernemental russe. Sur France Inter, il se justifiait ainsi : « il parait que dans les médias russes, on peut dire tout ce qu’on veut de Vladimir Poutine… De toute façon, il n’a pas besoin de ça, il est tellement populaire en Russie … ». Nous étions le 4 septembre 2018, quatre ans après l’annexion illégale de la Crimée par la Russie de Vladimir Poutine.

Le 22 février 2022, Frédéric Taddeï annonçait quitter la présentation de son émission par « loyauté envers la France » après que Vladimir Poutine ait donné l’ordre à son armée d’entrer dans l’Est de l’Ukraine, tout en précisant qu’il ne quitterait pas pour autant la chaîne russe, ajoutant « Xenia Fedorova, la présidente de la chaîne, m’a demandé de ne pas prendre de décision trop hâtive ». « On ne sait jamais, les choses peuvent rentrer dans l’ordre » philosophait-il au micro du Figaro.

Plus tard, sur C8, le journaliste donnera une autre version des faits, à laquelle il se tient désormais, affirmant être « parti de RT avant que la guerre ne commence en Ukraine ». Dans ce même interview, au moment où les bombes russes écrasaient l’Ukraine, il se lamentait : « ça m’a couté de l’argent d’en partir ».

Stand With Ukraine s’inquiète de l’arrivée de l’ancienne vedette du média de propagande de Moscou à la tête de la rédaction de Marianne, un hebdomadaire réputé et ayant une place importante dans le débat public.

Nous nous inquiétons également des conséquences que pourrait avoir la distillation d’éventuels discours et éléments de propagande et d’influence russe par un grand titre de presse français, alors même que les campagnes de désinformation venues de Russie se font de plus en plus fréquentes et massives.

Nous nous inquiétons aussi de la couverture médiatique dont bénéficiera un ancien salarié d’un organe de propagande russe, blanchi par le fait d’être devenu directeur de Marianne.

La nomination de Frédéric Taddeï à la tête de Marianne est inacceptable autant qu’incompréhensible. Cela nous conduit à nous interroger, enfin, sur l’intérêt politique et économique que cette nomination pourrait représenter pour son propriétaire, l’homme d’affaire Daniel Kretinsky, dont la fortune et les intérêts économiques sont étroitement liés aux énergies fossiles en provenance de Russie. Une part importante de ses revenus dépend de son gazoduc Eustream qui exporte le gaz russe vers l’Europe centrale. La fortune personnelle de M. Kretinsky ayant quasiment doublé entre 2022 et 2023, en pleine guerre en Ukraine, selon une enquête de l’Express.