Auchan en Russie : un retrait tardif sous pression du Kremlin
D’après des révélations du média ‘La Lettre’ publiées le 24 octobre 2024, le groupe Mulliez, propriétaire d’Auchan, serait en négociations avancées pour vendre ses 230 magasins en Russie. Gazprombank, la banque du géant gazier russe Gazprom, étroitement liée au Kremlin serait cet acheteur local. Ce potentiel rachat n’est en rien une démarche fortuite : Auchan souhaite seulement échapper aux sanctions et à la “taxe de sortie” imposées aux entreprises occidentales ayant l’intention de quitter le pays.
Une sortie contrainte
Auchan ne quitte pas la Russie par prise de conscience, mais bien sous la pression du Kremlin, qui impose des conditions drastiques pour le retrait des entreprises étrangères. Deuxième marché du groupe Mulliez après la France, la Russie a longtemps représenté une priorité pour Auchan, qui hésitait entre éthique et appât du gain avant de songer à fermer boutique. Une « taxe de sortie », initialement fixée à 10 % et qui pourrait atteindre jusqu’à 40 %, pousse désormais les multinationales étrangères à céder leurs actifs à des entités proches du Kremlin.
Gazprombank : un acheteur qui fait les affaires du Kremlin
Filiale de Gazprom, Gazprombank est sous sanctions internationales limitées mais reste néanmoins un acteur stratégique du gouvernement russe. En septembre 2023, elle avait déjà racheté des centres commerciaux du groupe Ikea en Russie, où se situe une partie des magasins Auchan. Pendant ce temps, des multinationales comme Danone et Carlsberg, souhaitant quitter le marché russe et trouver des acheteurs indépendants, ont vu leurs actifs confisqués lorsque le gouvernement russe a rejeté leurs transactions. Auchan a donc peur de subir le même sort que ces enseignes étrangères.
Auchan, soutien controversé au régime russe
Si ce départ imminent n’était pas dicté par la crainte de voir leurs actifs confisqués à leur tour, Auchan n’aurait probablement pas envisagé de quitter la Russie. L’entreprise française avait, dès le début de l’invasion de l’Ukraine, montré son soutien indirect au régime russe en restant opérationnelle dans le pays, contrairement à de nombreuses multinationales qui avaient annoncé leur retrait immédiat. En mars 2022, Auchan déclarait vouloir « répondre aux besoins alimentaires essentiels de la population civile » et ne voyait « pas de raison de condamner [ses] équipes russes d’une guerre qu’elles n’ont pas choisie ». Cependant, en février 2023, une enquête du Monde révélait qu’Auchan aurait fourni gratuitement des marchandises à l’armée russe, dans les territoires temporairement occupés en Ukraine, sous prétexte d’aide humanitaire. Une autre enquête a également révélé qu’Auchan a activement aidé ses branches locales à mobiliser ses propres employés dans les forces armées russes avec l’assentiment de la direction. Stand With Ukraine, aux côtés de la coalition B4Ukraine, a alors interpellé l’entreprise, qui s’est contentée de nier les accusations et de répéter ses explications dans une lettre officielle.
Le groupe Mulliez, une stratégie de retrait opaque
Le groupe Mulliez, dont font également partie Leroy Merlin et Decathlon, a tenté de tempérer les réactions négatives en promettant un retrait progressif. Cependant, jusqu’à présent, ce retrait est plus que relatif. En février 2024, une enquête de L’Express sur Leroy Merlin a mis en lumière des pratiques de « faux départ » impliquant des montages financiers et des contrats opaques permettant à l’enseigne de rester indirectement active en Russie. En parallèle, une investigation de Disclose sur Decathlon publiée en décembre 2023 a révélé des pratiques similaires, notamment l’utilisation de sociétés-écrans, de contrats cachés et d’une chaîne d’approvisionnement via des pays tiers qui permet, dans les faits, de toujours retrouver les produits Decathlon dans les magasins russes, malgré leur vente à l’enseigne locale Desport.
Un appel à sanctionner et boycotter le groupe Mulliez
Stand With Ukraine, membre de la coalition B4Ukraine, milite activement pour que les entreprises occidentales, en particulier françaises et européennes, cessent de financer, même indirectement, le régime russe et la guerre en Ukraine. Cette coalition pour la transparence appelle à des sanctions et à un boycott des entreprises comme Auchan, qui continuent à opérer en Russie et, par conséquent, à soutenir l’économie d’un régime coupable de crimes de guerre.
Image de couverture : Logo Auchan sur un centre commercial à Moscou, en mars 2022. © Natalia Kolesnikova/AFP