« Chaque coup que je porte sur le ring est aussi un coup pour l’Ukraine, pour notre liberté et notre avenir », a déclaré Oleksandr Usyk lors d’une conférence de presse d’avant match, annonçant le véritable enjeu pour lui.

Le combat entre Oleksandr Usyk et Tyson Fury, deux des plus grands poids lourds de l’époque moderne, transcende le domaine sportif. Leur affrontement à la « kingdom arena » de Ryad (Arabie Saoudite) pour l’unification des titres mondiaux fait déjà partie de l’histoire de leur discipline. Mais pour le champion de l’Ukraine, il s’agit de bien plus qu’un simple combat. Ce match retour, qu’il a remporté après décision unanime des juges et douze rounds d’une intensité rarement vue, est pour lui la démonstration de la résilience d’un peuple en guerre. Quelques heures avant le combat, Usyk s’est même entretenu par visioconférence avec le président Zelensky, renforçant la dimension politique de l’événement. À cette occasion, il lui a été rappelé les attentes de tout un peuple.

Depuis le début de l’invasion russe en 2022, Oleksandr a assumé un rôle bien au-delà de celui d’athlète. En rejoignant les forces de défense territoriales ukrainiennes dès les premiers jours du conflit, il a temporairement suspendu sa carrière pour participer activement à la lutte de son pays. À chacune de ses apparitions, il attire l’attention sur la situation critique en Ukraine, appelant à la solidarité internationale.

La pesée, moment habituellement marqué par des provocations, a cette fois pris une tournure solennelle. L’ukrainien est apparu avec un drapeau « Free Azovstal Defenders », réaffirmant son soutien aux soldats de son pays toujours détenus par la Russie. Cette action a suscité une vive émotion, rappelant que chaque instant de sa préparation est une opportunité pour sensibiliser le monde à la cause de Kyiv.

Les entrées sur le ring ont été également très symboliques. Usyk, sous les chants patriotiques de son pays, portait une tenue traditionnelle tatare (peuple de Crimée oppressé puis déporté par Staline dès 1940) ornée de motifs représentant le patrimoine culturel et guerrier de l’Ukraine. De son côté, Tyson Fury, le flamboyant « Gypsy King », a opté pour une entrée spectaculaire avec un manteau étincelant et une chanson de Noël, fidèle à son style provocateur et décalé. Ces contrastes d’attitudes ont préparé le public à une confrontation totale sur le ring.

Après la proclamation de sa victoire, L’ukrainien a effectué un geste fort en brandissant une épée historique. Provenant du musée de la ville de Tchernihiv, cette épée appartenait à Ivan Mazepa, un hetman de l’armée cosaque d’Ukraine qui a joué un rôle crucial dans l’obtention d’une plus grande autonomie pour l’Ukraine vis-à-vis de la Russie, sous le règne de Pierre le Grand. Cet artefact, transporté spécialement pour l’occasion, représente la volonté immuable du peuple ukrainien de préserver son indépendance. Cet acte, empreint de symbolisme, a renforcé l’impact extra-sportif de la victoire.

D’un point de vue technique, le combat était également un choc de styles. Fury, avec son gabarit imposant et une agilité surprenante, incarnait la force brute par excellence. Usyk, quant à lui, était le stratège, utilisant son intelligence de placement et son jeu de jambes pour dominer largement un adversaire plus lourd de 25 kilos qui n’a pas réussi a suivre son rythme effréné. Mais pour ce dernier, chaque round était bien plus qu’une simple confrontation sportive : il reflétait les batailles que son pays mène chaque jour contre un ennemi supposément plus puissant. La différence majeure entre les deux combattants n’est pas à chercher dans la technique ou dans le physique. L’un des boxeurs est en guerre, l’autre non.

Alors que le monde entier suivait l’affrontement avec fascination, l’histoire qui s’est jouée allait bien au-delà des cordes. Usyk a montré qu’il était bien plus qu’un athlète de légende : il est l’incarnation de la résilience et de la combativité ukrainiennes. La question qui se pose à lui est de savoir s’il va continuer à combattre sur le ring, car en dehors, l’agression russe dure et l’Ukraine a plus que jamais besoin de tous ses défenseurs quelques soit leurs champs de batailles.

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